Réquisitoire contre Bush
Réquisitoire contre Bush
William Karel signe un nouveau documentaire, « Le Monde selon Bush », sur France 2, qui révèle la personnalité du président américain et souligne les compromissions et les mensonges de la Maison Blanche, depuis le 11 Septembre jusqu’à la guerre en Irak.
Un dossier accablant
En accumulant les éléments à charge et en faisant défiler de nombreux témoins, le réalisateur
William Karel dénonce, en procureur rigoureux, les tromperies de George W. Bush et de son entourage. Son documentaire Le Monde selon Bush » est diffusé dans « Contre-courant », sur France 2, vendredi 18 juin à 22 h 35. Avant sa sortie au cinéma et son édition en DVD
Dès les toutes premières images, on est fixé. Avant même le générique, William Karel manifeste ses _ mauvaises ? _ intentions, avec franchise. George W. Bush apparaît lors d’une cérémonie sur un campus, revêtu de la toge universitaire. Le chef de la Maison Blanche s’adresse « aux étudiants médiocres » et leur dit : « Vous aussi vous pouvez devenir président des États-Unis… »
Bien sûr, même George W. Bush est capable d’auto dérision. Mais il ne s’agit pas seulement d’humour. Comme certains interlocuteurs de William Karel le souligneront plus tard dans le film, une grande partie de l‘électorat de L’Amérique profonde se reconnaît pleinement dans la simplicité ou le simplisme de ce président, quand une autre partie de l’opinion américaine, représentée ici par l’écrivain Norman Mailer, n’hésite pas à le traiter, ni plus ni moins, de « crétin ». Il faut le savoir : cet homme si décrié, à l’intérieur des États-Unis et beaucoup plus encore à l’extérieur, incarne à sa façon le rêve américain. Tout est possible !
Le Monde selon Bush
Avec Le Monde selon Bush il aurait pu concourir au Festival de Cannes, mais il n’y avait pas place pour deux documents anti-Bush. Dommage ! C’est celui de Michael Moore, Farenheit 9/11, qui a remporté la Palme d’or. Les deux films sont comparables et néanmoins fort différents. William Karel est autrement plus discret que son confrère américain. Contrairement à celui-ci, il ne se met pas en scène et ne se veut pas militant. Certes un réquisitoire est orienté mais l’accusation doit relever d’une démonstration. William Karel a un souci de rigueur qui n’est pas celui de l’auteur-acteur Michael Moore.
Les interlocuteurs de William Karel figurent tous dans un dossier à charge mais tous ne sont pas des ennemis, des amis déçus ou repentis de George W. Bush, tant s’en faut. Le documentariste français fait ainsi appel à deux éminences grises des présidents Reagan et Bush, père et fils, Richard Perle et Franck Carlucci, qui continuent de servir les intérêts du locataire de la Maison Blanche, le premier depuis sa demi retraite du Lubéron, le second à la tête du tout-puissant groupe d’investissement Carlyle, dont les collusions avec la famille Bush sont des plus troublantes. L’impénétrable Franck Carlucci confirme que Shafik Ben Laden, frère d’Oussama et chef d’un consortium familial qui pèse lourd en Arabie saoudite comme aux Etats-Unis, était présent aux côtés de George Bush père, l’ancien président, à la réunion annuelle de Carlyle, le 11 septembre 2001, au moment même où les tours jumelles de Manhattan s’effondraient. Richard Perle, bien que soutenant à fond le recours à la force en Irak ou ailleurs, laisse entendre une méfiance que n’a pas la Maison Blanche à l’égard de l’Arabie saoudite, qualifiée par un autre témoin de « mère nourricière du terrorisme ». De là à penser que l’administration Bush s’est délibérément trompée de cible en frappant l’Irak, il n’y a qu’un pas que William Karel franchit par témoins interposés.
Le documentariste-procureur met la même application à mettre en valeur le soutien déterminant apporté à Bush le Pieux par la droite chrétienne ultra. Celle-ci défend tellement Israël et Ariel Sharon que désormais ceux-ci n’ont plus guère besoin du lobby juif américain. La démonstration est aussi cohérente au sujet des mensonges sur les armes de destruction massive et le lien prétendu entre Saddam Hussein et Oussama Ben Laden qui ont « justifié » la croisade en Irak. A quelques excès près – notamment l’image de George Bush père semblant faire un salut hitlérien, juste après la révélation des affaires faites par le grand père, Prescott, avec les nazis -, ce dossier à charge est aussi confondant qu’accablant. Exemplaire.
C’est un réquisitoire. C’est évident. Il s’agit bien d’une dénonciation en règle du pouvoir de George W. Bush et de l’aventure irakienne, sa grande œuvre. Mais William Karel est un procureur rigoureux. Son dossier est solide. Il fait défiler de nombreux témoins, malgré la difficulté d’en trouver pour une telle entreprise, irrespectueuse et iconoclaste (lire entretien ci-contre). Au fil de ce documentaire, l‘auteur interroge chacun de ces témoins en les convoquant et reconvoquant sans cesse, en les confrontant les uns aux autres selon un montage très serré. On retrouve avec plaisir et intérêt une méthode et une manière qui ont fait la grande réputation de William Karel, en France et bien au-delà de l’Hexagone, depuis Histoire d’une droite extrême jusqu’à CIA, guerre secrète, en passant par Israël-Palestine, une terre deux fois promise, Les Hommes de la Maison Blanche, ou l’étrange et révélateur travail de faussaire que fut Opération Lune. Souvent primé, William Karel vient d’être récompensé au dernier FIPA pour l’ensemble de son œuvre.
Francis Cornu – Le monde télévision
Le 12 juin 2004