Note d’intention de Klaus Maria Brandauer concernant Mario et le Magicien.
Cette nouvelle de Thomas Mann est d’une grande actualité politique et littéraire. Malgré les couleurs de l’époque, les costumes et les décors d’autrefois, c’est une histoire d’aujourd’hui qui parle de séduction, d’amour, de haine, de jalousie, de meurtre et de pouvoir : des thèmes vieux comme le monde, vieux comme la vie !
Ce sont mes propres interrogations sur le comportement de la famille Fuhrmann qui ont été mon principal centre d’intérêt : pourquoi ne partent-ils pas ? Pourquoi cette passivité, cette façon de regarder sans voir ? Ce sont eux les personnages importants pour le déroulement de l’histoire. Cipolla est un intervenant mineur. Il n’existe et ne joue que grâce à l’attention que lui portent les autres. Sans leur regard, il n’est rien.
Je comprends Cipolla, il me touche, c’est un pauvre garçon, il aurait voulu jouer Hamlet mais avec son physique c’était impossible. Néanmoins il s’aperçoit que même un être difforme peut dégager de l’érotisme, il fascine, il bluffe, mais une fois de plus, tout ça ne tient que grâce aux autres. La scène où il est incapable de mettre seul son corset en est bien le symbole. Sans aide, il se replie comme un couteau de poche ! “Le Potentat est une chimère, le Roi c’est nous qui le jouons !“. Voilà ce que j’ai lu chez Thomas Mann. Dans le texte original, Cipolla meurt. A mon sens, toute personne qui travaille à une adaptation est condamnée à interpréter. Là précisément, il s’agit de notre propre Histoire racontée par un grand provocateur : Thomas Mann. Mais nous vivons 70 ans plus tard que le récit, et les événements nous ont malheureusement montré que rarement les justes et les innocents se défendent contre l’appel au meurtre d’un tyran. Dans le film, Cipolla reste en vie car aujourd’hui nous avons conscience de ce passé qui peut se reproduire. C’est bien sûr ma lecture, mais la fantaisie n’est-elle pas indispensable dès lors que l’on raconte des histoires ?…