Note d’intention de Franco Zeffireli Concernant Jane Eyre
Le film sera caractérisé par une atmosphère sombre, des couleurs livides, crues, blancs, gris et noirs. Grands contrastes pour souligner la solitude qui accompagne la vie de Jane. La peinture de William Blake plutôt que les paysages dorés de Turner. L’orphelinat gris, en pierre foncée, oppressif, sans couleur, où les fillettes volettent comme des oiseaux opaques. Et puis la demeure de Rochester, si différente de la maison patricienne anglaise que nous avons l’habitude de connaître, somme de différents styles superposés. Une maison austère, rigoureuse, sévère, à l’architecture imposante et nue plongée dans une nature humide, verte et splendide.
En rédigeant le scénario, on a voulu respecter dans l’ensemble le déroulement du roman dans la première partie. Il a par contre été nécessaire d’alléger la seconde, un peu répétitive. Enfin, on a introduit un élément nouveau, purement inventé : le voyage de Jane à Madère. Ce voyage met non seulement en évidence le caractère du personnage principal, mais il devra aussi ressortir comme une trouée lumineuse dans le contexte du film. Nous nous trouverons à l’improviste dans une atmosphère dorée, pleine de lumière et de couleurs, en contraste évident avec l’ambiance sombre et oppressive de toute la première partie. Madère devra apparaître comme un songe, une terre promise, un lieu enchanté où tout est beau et chaud, où Jane Eyre se trouvera différente et pourtant égale à elle-même – riche, économiquement autonome, seule, mais respectée, estimée, désirée.
Et cette vie, ample, détendue, rassurante est justement trop étriquée pour la femme, une femme qui ne renonce pas à ses sentiments, mais plutôt à cette “terre promise” pour revenir à l’amour de Rochester. Le jeu des acteurs sera sec et rigoureux, le commentaire musical dépouillé, mais non exempt de sonorités romantiques.