Le règne du mensonge
C’est un réquisitoire argumenté, précis, affligeant. Si encore William Karel et Eric Laurent jouaient avec les a priori. Mais leur enquête sur George W. Bush et son système s’appuie seulement sur des faits avérés, des témoignages crédibles. Heureusement, on y découvre aussi que les Etats-Unis sont multiples et que nombre de ses habitants sont debout, bien décidés à lutter contre les illuminés, les menteurs, les affairistes qui, pour l’heure, tiennent le haut du pavé.
« Une mission divine ».
Après le 11 Septembre, Bush a profité de la tétanie du pays pour pousser ses pions. Dès lors, toute critique à son encontre passait pour antiaméricaine. Le seul élu qui s’est alors dressé devant un Sénat aussi muet que des élus (?) d’un parti unique fut Robert Byrd, un vieillard de 85 ans, républicain et ami de Bush père. Il faut vivre ce grand moment : « Ce gouvernement est cynique et arrogant, qui a appliqué une politique désastreuse dont nous récolterons les fruits pendant des années », lance le sénateur à une assemblée accablée. « Les déclarations de ce gouvernement sont révoltantes et, pourtant, cette assemblée reste désespérément silencieuse. » Silencieuse, on ne saurait mieux dire.
« Le Monde selon Bush », tel que le dépeignent les deux auteurs du documentaire diffusé par France 2 vendredi, est une drôle de planète. On y trouve d’abord des religieux tendance fêlés dangereux. « Bush a vraiment rencontré Dieu », affirme sans rire un télé-évangéliste. « Il est investi d’une mission divine. » On voit le chef du renseignement du Pentagone pas le premier venu prêcher en uniforme et dévoiler une photo sur laquelle apparaît le démon lui-même. Mais oui. En fait, il s’agit d’un avion espion. Face à un public crédule, ce sont des approximations qui passent. Pour d’autres prétendus chrétiens, Sharon n’est rien moins que « l’homme choisi par Dieu pour accomplir la prophétie de la fin des temps ». En réalité, ces néochrétiens, faux amis d’Israël, espèrent bien convertir les juifs juste avant le Jugement dernier.
« Une catastrophe utile ».
Deuxième axe pris par Karel pour démonter le système Bush : les mensonges et les omissions à l’égard de l’Irak. « Le 11 Septembre, ce n’était pas une attaque, c’était un cadeau », relève Robert Stelle, un ancien agent de la CIA. « C’était une catastrophe utile aux gens du pouvoir qui pataugeaient depuis neuf mois », s’indigne l’écrivain Norman Mailer. Enfin, Bush Junior tenait son prétexte pour « refaire une carte politique du Moyen-Orient pure, nette et simple », selon le diplomate Joseph Wilson, ce proche de Bush dont l’épouse, agent de la CIA, paya cher le refus de son mari de trouver des preuves d’achat d’uranium par l’Irak.
Troisième volet, l’affairisme : jamais, dans l’histoire des Etats-Unis, un président et son entourage n’auront paru autant magouiller. L’occasion pour Karel de révéler les liens entre le grand-père Bush et les nazis, dont il était le banquier. Mais aussi de rappeler ceux unissant l’administration au pouvoir avec les Saoudiens. Utile révélation : le seul avion civil qui fut autorisé à voler dans le ciel américain désert du 12 septembre était celui du frère d’Oussama Ben Laden, qui ramenait au pays tous les membres du clan.
Novembre 2004.
Face à ce président qui n’était jamais sorti des USA avant son élection, face à tous ceux qui l’entourent et parce qu’il ne faut jamais désespérer de l’Amérique, des citoyennes et des citoyens se lèvent et pointent du doigt les errements de l’administration au pouvoir. Avec l’ambition de convaincre la majorité silencieuse que Bush et ses sbires constituent un danger pour l’Amérique. Pour que, peut-être, en novembre 2004, le destin du monde ne tienne pas au comptage discutable de quelques centaines de bulletins de vote en Floride.
Sur France 2, vendredi 18 juin à 22 h 35. A partir du mercredi 23 juin au cinéma.
Jean-paul Taillarda – Jeudi 17 juin 2004