Le monde selon Bush, l’avis d’Elisabeth Quin
Rigoureux
La différence entre «Fahrenheit», le film de Michael Moore palmé à Cannes et ce remarquable documentaire de William karel tient à leurs natures respectives : le premier est une très séduisante et brillante œuvre de propagande jouant avec les ficelles d’icelle, raccourci et martèlement, conçue par un idéologue disposant d’une caméra. Le second, beaucoup moins séduisant et drôle, beaucoup plus précis, complet et éthique, mené et réalisé par un cinéaste qui n’a pas pour but de faire voter contre quelqu’un, mais d’ouvrir les esprits, et de maintenir les citoyens en état de questionnement critique. Le jour et la nuit. Au contraire du M.Moore, «Le Monde selon Bush» n’offre que très peu d’images d’archives montrant W. Le but de Karel n’est pas de prouver que le président des États-Unis est bête par l’examen fasciné de sa physionomie, mais de comprendre qui il est, et ce qui le façonne : une dynastie d’affairistes, avec cette révélation sur le grand père Prescott bush qui aurait été un banquier secret d’Adolf Hitler. Puis des opinions, un conservatisme farouche et un libéralisme hérité de son père, enfin une foi aveugle, instrumentalisée par la droite chrétienne fanatique (Mel Gibson en fait partie).A partir de ce maillage, résultat d’interviews et d’investigations, Karel veut faire comprendre ce qui se cache derrière l’engagement en Irak. Disons le tout de suite : l’analyse et les hypothèses du «Monde selon Bush» sont plus fouillées que chez Moore. De surcroît on a pas le sentiment que le réalisateur construit son film pour qu’il colle à son postulat de départ, Bush est une marionnette véreuse, virons-le, comme le fait Moore. La morale se niche dans le moyen d’arriver à ses fins, et si Karel n’a pas de respect pour W. Bush, la méthodologie pour le dire, elle, est respectable. Je vous laisse découvrir comment les deux thèses sont complémentaires.
«Le Monde selon Bush» n’est pas qu’une enquête accablante sur le plus mauvais président qu’aient jamais eu les États-Unis, selon Norman Mailer et le Los Angeles Times. C’est aussi un constat dramatique sur l’absence d’opposition politique efficiente dans le pays. De ce point de vue, le héros du film, un certain Robert Byrd, frappe comme héros john-fordien, mais ses 85 ans et ses tremblements parlent de crépuscule.