Interview d’Elodie Bouchez concernant LA FAUTE A VOLTAIRE
J’ai tout de suite eu envie de participer à cette histoire, d’être l’une des petites ” fées ” que Jallel allait rencontrer sur sa route. J’ai été touchée par l’humanité, la joie et l’humour qui se dégage de ce récit, la façon dont il aborde l’exclusion sous différentes formes. J’ai aussi été séduite par la relation entre Lucie et Jallel, par la façon qu’à Lucie de se “reconnaître” instantanément dans Jallel, dans sa pureté et sa vision du monde, sa manière de s’accrocher à lui comme à une bouée. J’ai été émue par sa beauté, sa différence, sa vérité.Lucie semble être une jeune fille en perdition, incapable de s’intégrer.
Et en même temps, elle dégage une force vitale et sensuelle qui lui donne une forme d’optimisme…
Lucie vit dans une autre dimension, elle n’a pas les codes sociaux qui lui permettraient de s’intégrer plus facilement. Pour moi elle est aussi ce que l’on aimerait être un peu plus souvent : capable d’exprimer, ses besoins et ses désirs haut et fort, de façon absolue sans avoir peur du regard des autres. C’est ce qui fait sa force de vie. Elle ouvre les yeux de Jallel, en lui faisant admettre et accepter d’autres différences que celle qui lui est propre.
Lucie exprime son besoin d’amour, mais pas verbalement, plutôt physiquement. C’est un jeu assez inhabituel, plus proche du corps que du langage et toujours sur le fil du rasoir. Comment Abdel Kechiche vous a-t-il dirigée ?
L’exigence d’Abdel était permanente, pas une seconde n’était accordée au relâchement ou à la facilité. Tout devait tendre vers la vérité, l’extrême, l’illumination. Il m’aidait constamment à maintenir Lucie dans une autre dimension, il ne me laissait me cacher derrière aucun filtre et tenait à ce que je reste concentrée pratiquement 24 heures sur 24. Abdel a permis une véritable fusion entre chacun de nous. Nous jouions vraiment tous les uns avec les autres avec la même générosité que nos personnages.
Quel apport constitue ce film pour votre parcours de comédienne ?
Cette expérience fait évidemment partie de celles que l’on est pas prêt d’oublier et de celles aussi qui nous donnent de mauvaises habitudes par rapport à l’extrême exigence d’un réalisateur qui pousse vos limites et ne se contente pas de recevoir ce que vous avez à lui donner, sans chercher à aller plus loin.
Si vous ne gardiez qu’un seul souvenir de ce tournage ?
Si je devais ne garder qu’un souvenir du tournage ce serait peut-être le moment où nous avons tourné la scène du bal à la fin du film, il n’y avait plus de lumière, l’équipe n’était plus très chaude pour tourner, nous n’avions droit qu’à une seule prise. Nous l’avons tournée dans une joie et une solidarité extrême. Nous chantions comme des fous ! Et l’histoire s’est d’ailleurs répétée : pendant la post-synchro du film, Abdel nous a regroupé dans une petite cabine, une dizaine à danser et à s’égosiller comme des malades! Cette scène me donne des frissons quand je la vois, car elle est chargée de beaucoup de bonheur !