Interview de Serge MEYNARD concernant Le Crime des Renards
Le Crime des Renards se présente-t-il comme une suite du film que vous avez tourné il y a quelques années : Le Sang du Renard ?
Non, il ne s’agit pas du tout d’une suite dans la mesure où l’histoire n’a rien à voir !… Je préfère dire que ce film est comme une résonance de celui qui fut tourné il y a dix ans. On y retrouve certains personnages… Pas tous… En tout cas, le personnage de Jean-Noël, qui est un peu mon Antoine Doinel à moi, lui, poursuit son initiation et son étude désespérée du monde adulte.
D’autres points communs encore : nous avons tourné dans les mêmes décors et les renards sont de retours…
Dés les premières images,on est happé par la prémonition d’un drame terrible… Quelle est l’inspiration de cet épisode ?…
Je suis incapable de dire d’où me viennent les idées.
On est nourri de ce que l’on a lu, de ce que l’on a entendu, de ce que l’on a vu…
Ce que je sais, c’est que je parle de mes fantômes. Je les déterre pour qu’ils prennent l’air et cessent ainsi de m’effrayer…
On vous sait amateur de thriller.Pensez-vous inscrire Le Crime des Renards dans ce genre-là ?…
Ce film-là flirte avec le genre mais veut privilégier l’humain et le psychologique plutôt que le suspense. Même si j’espère bien surprendre toutefois le spectateur… Le thriller est un genre qui permet de traiter tous les sujets sans prendre le risque d’ennuyer.
Pour peu que l’on travaille à créer un vrai suspens dès le début, on a loisir d’explorer ensuite nombre de facettes de la psychologie humaine. J’aime visiter la part d’ombre de mes personnages. Leurs troubles, leurs souffrances, leurs comportements irrationnels… J’aime l’étincelle absurde au cœur de l’apparente normalité.
C’est la première fois que vous travaillez avec Aurélien Recoing ?
Moi qui suis plutôt fidèle aux acteurs, j’aime de temps à autre agrandir cette famille que je constitue film après film…
Aurélien est un acteur que j’avais adoré dans L’emploi du temps de Laurent Cantet… Un de mes films cultes !!… Aurélien m’a comblé au-delà de ce que j’imaginais en campant ici un papa prévenant et terrifiant à la fois… C’était un rôle très difficile et il l’a magnifiquement interprété.
En ce qui concerne Nathalie Besançon, c’est le troisième film que nous tournons ensemble. Elle a beaucoup travaillé sur son rôle car je lui avais proposé le scénario un an avant le tournage…
Elle est bouleversante dans ce rôle de mère terrassée par le chagrin. Son interprétation lui a d’ailleurs valu le Prix d’interprétation Féminine au Festival International du Film de Télévision de Luchon 2005.
Vous paraissez aimer traiter de la religion dans vos films.
Je suis plutôt athée. Je me considère comme panthéiste, ce qui me permets de souvent tourner mes films à l’air libre et dans des décors magnifiques.
Plus sérieusement et pour répondre à la question, ce film traite de la culpabilité. Il me paraissait important de dire que l’éternel sentiment coupable qui habite beaucoup d’entre nous, nous vient aussi de cette éducation là.
Deux séquences animalières du film sont représentées sous forme de dessins. S’agissait-il de résoudre, de façon détournée,
un problème de réalisation ?…
Pas du tout! Les séquences étaient écrites ainsi dans le scénario. Je voulais de cette façon évoquer davantage le monde de l’enfance et du conte.
La première des séquences intervient après une scène difficile à supporter, c’était aussi pour moi une façon d’offrir un peu de distance au spectateur.
Comment avez-vous convaincu vos producteurs de vous suivre dans cette nouvelle aventure ?
J’écrivais le scénario tout seul dans mon coin en pensant que le film pouvait très bien ne jamais se monter… Un jour, j’en ai parlé au téléphone à la productrice, Sylvette Frydman, qui avait déjà produit Le sang du renard et à qui je devais la primeur…
Je lui avais promis qu’elle serait la première à lire le scénario terminé. Mais elle n’a pas pu attendre et m’a convaincu de lui envoyer une vingtaine de pages. Elle a acheté le scénario sur ces vingt pages…
Parlez-nous de la musique.
Le compositeur, Eric Neveux à, lui aussi, obtenu le Prix de la Meilleure Musique de Téléfilm au Festival International du Film de Télévision de Luchon 2005. C’est la deuxième fois que je travaille avec lui. Il a un talent fou !… Et pourtant, il est modeste, très à l’écoute et inventif…
Il a composé ici une partition d’une très grande beauté.