Interview de Sami Bouajila concernant LA FAUTE A VOLTAIRE
J’avais entendu parler du projet, car au moment où Abdel m’a proposé le film, cela faisait un moment qu’il travaillait dessus. Je trouvais que le scénario était magnifique, et j’ai été impressionné par la puissance narrative de son écriture.
On a parlé de Jallel, pendant de longues rencontres, ce qui était une manière de se découvrir l’un l’autre, de faire se rencontrer nos deux visions des choses. Abdel m’a vite fait comprendre qu’il ne voulait pas un jeu prémédité, trop conscient de ses effets. Il voulait qu’au contraire je puisse me libérer le corps et l’esprit et m’ouvrir aux différentes sensations que pouvaient éprouver le personnage. Nous avons défini beaucoup d’éléments ensemble, mais pas au sens où on l’entend habituellement. Pour Abdel, il fallait laisser de la place à Jallel. La structure du film était suffisamment écrite, les personnages bien campés pour qu’on se rende le plus disponible possible. Il nous sollicitait constamment mais ne nous imposait jamais rien.
Quel est pour vous le sens du parcours de Jallel ?
Le personnage de clandestin est un prétexte pour dépasser les frontières physiques, faire se rencontrer des univers différents : le passé de Jallel, son origine, et les règles de la vie en France. Pour moi, La Faute à Voltaire est un conte, ou une fable. C’est aussi un récit initiatique. Le personnage est confronté à l’inconnu, au danger, à des réalités avec lesquelles il doit se mettre en phase, et auxquelles il est contraint d’ajuster ses rêves. Ses rencontres sont déterminantes. Nassera est un personnage qui est associé à un lieu précis, elle à un travail, une identité affirmée, et des objectifs clairs, une énergie qui la pousse à les réaliser. Dans la scène où ils se rencontrent, Jallel cherche à se libérer, à communiquer. Il se laisse griser par cette femme, ce lieu, l’alcool, les poèmes : c’est un leurre, un moment de bonheur possible que dans l’espace clos du café, grâce à l’ivresse. Mais Nassera a les pieds sur terre, tandis que Jallel déchante le lendemain matin… Malgré tout, Jallel est un personnage optimiste : les obstacles matériels l’angoissent, sa situation est impossible, et pourtant, je trouve que sa vision des choses reste noble. Il a quelque chose de contemplatif, un peu à l’orientale.
Certaines scènes donnent l’impression d’être presque improvisées…
Tout en nous laissant une grande marge de manœuvre, Abdel exigeait de nous d’être très rigoureux. C’était la seule condition possible pour que l’on soit libre. Le réalisateur essayait de toujours prendre en compte le point de vue de Jallel, d’épouser la manière dont il découvre les gens, les lieux…Tout en restant près du texte, il était ouvert à toutes les propositions. Il nous demandait simplement, au fur et à mesure des nombreuses prises, de trouver la vérité, et de s’en approcher le plus possible.
Pouvez- vous nous parler de vos partenaires ?
Les deux filles, Elodie et Aure, étaient merveilleuses. J’étais comblé. L’ironie de tout ça est que finalement, pendant son séjour, Jallel a le droit à deux histoires d’amour très fortes, très différentes.