À MA SŒUR !

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À MA SŒUR !
un film de Catherine Breillat2001

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  Anaïs a douze ans, elle porte le poids du monde. Son corps, c'est à la fois la citadelle de sa douleur et une forteresse. Tapie à l'abri, ou laissée pour compte, elle observe. C'est l'été, la mer, les vacances en famille. Les amours de vacances. C'est donc l'apprentissage du premier amour. Cet apprentissage, Anaïs va le faire par procuration. Elle observe sa soeur ainée, Elena, aimée ( et haïe ). Elena a quinze ans et la beauté du diable. Ni plus futile, ni plus bête que sa soeur cadette, mais qui ne peut pas comprendre qu'elle n'est qu'un objet du désir. Et qu'en tant qu'objet elle ne peut que se faire prendre. Ou avoir. D'ailleurs, il s'agit de cela, la perte de la virginité des filles. Et qui ouvre la porte au drame, cet été-là.

Images du film

À MA SŒUR ! À MA SŒUR ! À MA SŒUR ! À MA SŒUR ! À MA SŒUR !

REVUE DE PRESSE

Interview de Catherine Breillat concernant le film A MA SOEUR !

J'avais en tête, depuis plusieurs années, un fait divers. Ce qui m'avait frappé était tout autant le fait divers en lui-même que la manière dont il était relaté par la presse. On cherchait visiblement à lui conférer un sens moral, pour le comprendre et l'accepter. Je me suis dit qu'il fallait raconter ces histoires autrement.

Interview de Roxane Mesquida concernant A MA SOEUR!

Le scénario de " A ma sœur ! " m'a fait une impression très forte. Je l'ai lu pendant une heure de libre au lycée et j'ai été très troublée par cette histoire, je me suis promenée dans le lycée dans un état très bizarre… Je me suis dit qu'il y avait vraiment quelque chose de très intéressant à jouer.

Interview de Libero De Rienzo concernant À ma soeur !

En lisant le script de "A ma sœur !", je me suis dit que c'était le plus beau scénario que j'avais jamais lu. Je l'ai dit par la suite à Catherine, qui ne m'a pas cru !

interview de Arisnee Khanjian concernant A ma soeur

Catherine exige beaucoup de vérité de la part des comédiens. Elle ne fait pas de compromis, car elle sait que les compromis se voient toujours à l'écran.

interview de romain Goupil concernant A ma SOEUR !

J'ai beaucoup appris sur le métier de comédien en me retrouvant de l'autre côté de la caméra, à guetter le moindre geste, le moindre regard du metteur en scène. De plus les comédiens composent très vite une famille. Ici, très naturellement, la famille qui était dans la fiction se recomposait hors champ. Mais le film soulevait aussi la fragilité de nous tous. C'est pour cela qu'on était très proches, très soudés.

Interview de Anais Reboux concernant A MA SOEUR !

Le plus dur, pour moi, a été la scène de la claque. Il fallait que je me mette à pleurer, et je n'y arrivais pas du tout ! Finalement, j'ai téléphoné à ma mère, qui m'a fait imaginer que mon petit chien s'était enfui. Je savais que ce n'était pas vrai, mais j'ai fait comme si, et ça a marché.

LE MONDE INTERACTIF
Trois questions à Catherine Breillat

La réalisatrice Catherine Breillat, dont le dernier film, A ma sœur !, est en salles depuis le 7 mars, répond aux questions du "Monde interactif" sur les rapports entre cinéma, Internet et caméra numérique.

nytimes.com
Sex and Power: The Provocative Explorations of Catherine Breillat

The work of Catherine Breillat, the French filmmaker and novelist whose movies frequently explore the perversity animating male-female power dynamics in Western society, has always been fearlessly pertinent. These days, as more and more revelations about the sexual predations of high-profile men come to light, they may even be more pertinent.

Interview de Catherine Breillat concernant le film A MA SOEUR !

D'où viennent le sujet et les personnages de " A ma sœur ! " ?

J'avais en tête, depuis plusieurs années, un fait divers. Ce qui m'avait frappé était tout autant le fait divers en lui-même que la manière dont il était relaté par la presse. On cherchait visiblement à lui conférer un sens moral, pour le comprendre et l'accepter. Je me suis dit qu'il fallait raconter ces histoires autrement. Puis, un jour, autour d'une piscine dans un hôtel, j'ai assisté à une petite scène : une adolescente boulotte qui faisant des va-et-vient dans l'eau, parlait toute seule comme si elle disait des mots d'amour à des garçons imaginaires. Il y avait aussi sa famille, sa sœur aînée. J'ai commencé à imaginer une petite fille comme elle dans ce fait divers.
Et puis, étrangement, je n'avais jamais évoqué dans un film le lien que peuvent entretenir deux sœurs, alors que je l'ai moi-même connu, ayant une sœur. Je voulais explorer cette complicité absolue qui peut coexister avec une réelle férocité. C'est devenu le sujet essentiel du film. Les deux sœurs vivent entre elles, le reste du monde existe à peine, et n'entre pas dans leurs rapports. Cet amour de vacances fait obstacle à cette relation très exigeante qu'elles entretiennent.



 

Avec ce film, vous avez aussi cherché à raconter une " première fois ". Comment " A ma sœur ! " vient-il compléter votre réflexion sur la sexualité et son apprentissage ?
Le film traite aussi la trahison du discours amoureux. Elena est plus romantique que sa sœur. Elle recherche un amour romantique ce qui est normal pour son âge. D'ailleurs, si Anaïs affecte de ne pas être jalouse, elle aimerait tout de même être à sa place. Cela dit, je ne pense pas qu'il y ait un apprentissage. L'expérience prouve que l'on répète les mêmes erreurs, même si on le fait parfois en connaissance de cause. Le discours du garçon, Elena le croit non pas parce qu'elle a quinze ans et qu'elle est naïve, mais parce qu'on ne peut que le croire ! Ces phrases qu'Elena prend pour des promesses n'ont de vérité que dans l'instant, elles servent l'attitude opportuniste du garçon. Ce ne sont pas pour autant des mensonges, et c'est pour cela qu'il est si facile d'y croire. Lui-même est sincère, même si son comportement dément ce qu'il dit.

 

N'est-il pas difficile de faire jouer à de jeunes acteurs des situations qu'ils sont susceptibles de vivre ? Comment réussissez vous à maintenir la frontière de la fiction ?
Le film se ressent forcément de situations humaines sur le plateau. Le plus étonnant, c'est que Roxane et Anaïs se sont vraiment comportées comme des sœurs. La scène du fou rire sur le lit reflète vraiment ce qu'il y avait entre elles une fois hors champ : elles avaient vraiment ce type de rapport sans pour autant être sœurs et malgré leur différence d'âge. Cela dit, les films génèrent toujours de drôles de comportements… Au début, j'avais peur qu'elles ne s'entendent pas, qu'elles se jalousent. Mais je pense qu'elles ont développé cette complicité extraordinaire pour avoir une protection pour elles deux face au film, c'était un peu leur refuge. Cela dit, si Anaïs avait été un peu laissée à l'écart, son personnage aurait été autre.
Pour certaines scènes, les conditions de tournage n'étaient pas faciles. Par exemple, il a fallu jouer en maillot de bain alors qu'il faisait 4 degrés, se baigner dans l'eau très froide : des choses qu'on ne fait que pour un film ! Mais c'est à mon avis le propre du cinéma : on fait pour un film ce qu'on ne ferait jamais dans la vie. Et je crois que même si c'est parfois douloureux et difficile, c'est aussi ce qui est exaltant. D'ailleurs, j'ai observé que lorsqu'un acteur est confronté à quelque chose de difficile à faire, c'est ce qu'il fait le plus facilement ! C'est ce qui est excitant dans ce métier.

 

Pendant qu'Elena découvre le corps masculin, Anaïs se replie sur elle-même, sur sa grosseur, dans une forme d'auto-érotisme…
Oui, car au fond, Anaïs est persuadée qu'elle est la mieux des deux. Il y a toujours une rivalité entre sœurs, et Anaïs lutte avec les armes qui sont à sa disposition. Mais au fond, elle existe d'avantage que sa sœur. La personnalité d'Elena est déjà un peu altérée par le concept d'être une jeune fille de son âge et de son époque. A cause de son désir de plaire, elle n'est plus complètement elle-même. Elle est belle, elle est aimée, elle est comblée : mais au fond, ce confort psychologique l'empêche de se trouver elle même. Il lui suffit de se conformer à cette norme à laquelle elle correspond.
Anaïs résiste mieux. Elle absorbe le monde, alors que l'autre au contraire est absorbée. Anaïs est d'ailleurs très à l'aise dans son corps, bien dans sa peau. Ce n'est pas une obésité d'autiste, autodestructrice, mais une obésité qui est faite pour vaincre le monde. Je trouve son corps très beau, c'est un corps de bébé et en même temps très érotique. Le problème, c'était qu'entre le casting et la fin du tournage, son corps avait changé. Je ne voulais pas qu'elle soit trop développée et qu'elle est trop de poitrine : mais finalement, quand je l'ai vu en maillot de bain, je me suis rendu compte qu'elle avait vraiment un " corps interdit " : un mélange corps de petite fille, et en même temps une incroyable opulence sexuelle.

 

A certains moments dans le film, les deux sœurs semblent agir comme un seul et même personnage…
Je me suis dit que c'était une " âme à deux corps ". C'est le syndrome des sœurs, qui ont du mal à avoir une identité à elles seules. Ce que fait l'une, l'autre le ressent. D'une certaine manière, elle le vit tout autant, et cela fait partie de son histoire. Elles ne sont pas séparées, même si l'aînée cherche à s'affranchir de sa sœur, elle est toujours tributaire du regard que l'autre porte sur elle. C'est une relation fusionnelle, et presque confusionnelle : d'ailleurs dans la réalité, les adultes confondent souvent les prénoms des frères ou des sœurs. C'est un amour qui est maudit, car l'une prend la place de l'autre, comme lorsque la mère gifle Anaïs à la place d'Elena.

 

D'ailleurs, les mondes des parents et des enfants ne communiquent jamais.
Pour ces deux sœurs, le père est le premier homme décevant. Il n'est capable de s'occuper que matériellement de ces filles. Il ne porte aucun regard sur elles, il ne cherche même pas à les comprendre, et croit pourtant qu'il s'en occupe. Aucune communication n'est possible avec ses enfants ni même avec sa femme. Pour lui, seule compte l'image, les signes du bonheur : maison, vacances, famille. Les parents n'obéissent qu'à une idée de ce qu'ils croient être leur devoir. La mère, si elle punit en interrompant les vacances, ne sait pas quoi faire, au fond. En matière sexuelle, je crois qu'on ne peut exercer aucune autorité, qu'il est stupide de faire peser une culpabilité. D'ailleurs, les parents ne se sont probablement pas mieux comportés dans leur jeunesse, et même dans l'âge mûr, ils sont peut-être toujours aussi irresponsables. J'aimais l'idée que le film bascule dans le fait divers, dans l'horreur, à cause de cette erreur de jugement.

 

Les chansons que chante Anaïs ont-elles été écrites pour le film ?
Non, ce sont des chansons que j'ai écrites adolescente. Je voulais au départ qu'elle chante une chanson de Laura Betti. Petite, j'avais été très marquée par elle comme actrice et chanteuse, extrêmement provocatrice. Je n'ai pas retrouvé la chanson mais je suis tombée sur cette interview de L'INA que l'on voit dans le film. Du coup, je me suis dit que Anaïs chanterait la chanson des corbeaux, que j'avais écrite vers douze ou treize ans. Elle m'avait été inspirée par François Villon, " La ballade des pendus " qui dans sa noirceur a quelque chose de très enfantin, de naïf, tout en étant une œuvre magistrale.
Il me manquait aussi une pointe de tragédie. Au départ, nous devions tourner en Sicile. La scène de la plage se passait sur le volcan l'Etna. Le volcan apportait quelque chose de magique, de noir, de ténébreux. Mais la côte sauvage sur laquelle nous avons tourné ne donne pas une impression aussi phénoménale qu'un volcan. Je me suis dit que ces chansons apporteraient une note tragique, sombre, cette obsession de la mort qui est à mon avis inhérente à l'adolescence. Anaïs cherche aussi à attirer l'attention sur elle, par exemple dans cette scène sur la plage, pendant qu'Elena est derrière une dune avec le garçon. A ce moment, Anaïs broie du noir de manière très romantique, elle a un comportement d'enfant pré-suicidaire, qui dit " je suis peut-être en train de mourir parce qu'on ne fait pas attention à moi ". C'est un romantisme de la mort qui est, je crois, une certaine idée de la vie. L'idée que l'on a à l'adolescence. Il s'agit, au fond, de détruire l'enfant qui est en soi. Le problème, c'est qu'on peut très bien détruire l'enfant en soi sans pour autant devenir adulte ! (rires)

 

Malgré ce qu'il raconte, le film, bien qu'explicite, est moins " détaillé " que Romance.
Ce n'est pas nécessairement par ce que l'on voit qu'il y a de la vérité. L'image est un faux témoin. C'est toujours le sens, l'impression qui se dégage de l'ensemble qui vous fait croire à ce que l'on voit, et qui est important. Par ailleurs, je ne voulais pas me couper d'un public jeune. La crudité du film est très relative, et je crois qu'elle peut même être instructive à certains égards. Il y a aussi une légèreté, un côté " sitcom " auquel je tiens. Le dialogue est d'ailleurs limpide et très facile à comprendre. Tout le dialogue amoureux est un dialogue de sitcom. D'ailleurs, quand on est amoureux on parle toujours un peu de cette manière, et la seule différence est que l'on y croit, que ce que l'on dit vous engage corps et âme. Il y a aussi un effet comique, comme quand ils s'embrassent en se disant ce que font leurs parents. Quand on est petit, on pose toujours ce genre de questions alors qu'on parle évidemment de tout autre chose. Cela existe aussi dans les relations adultes, d'ailleurs, même si dans le film, c'est outrancièrement adolescent. Les filles qui partent en goguette, à la recherche des garçons, cela existe. Et bien souvent, ces adolescents qui se rencontrent ne savent même pas qu'ils se draguent, et c'est ce qui est drôle !

 

Le film quitte la chronique adolescente pour glisser vers le fait divers. Comment vous est venu l'idée de cette longue séquence du trajet sur l'autoroute ?
J'ai toujours été fasciné par ces trajets en voiture, sur la route des vacances, avec les enfants derrière, trimballés comme des corps qui n'ont rien à dire, avec les parents qui fument devant. Le paysage m'intéressait aussi, mais uniquement dans la mesure où il reflète un état intérieur. Cette autoroute est appréhendée avec angoisse, et il peut alors y avoir une sorte de " vertige horizontal ". Je voulais rendre ce côté hallucinogène, peut être psychotique, de la route, et en même temps son hostilité. L'habitacle d'une voiture est un univers confiné où les gens sont proches et en même temps très éloignés. Les gamines pleurent et la mère est devant, qui ne veut rien voir et rien entendre et s'accroche à son volant. Elle est entièrement absorbée, et ne peut pas communiquer. Elle ne donne même pas l'impression de conduire, elle " est conduite " par la route.

 

Aviez-vous une vision d'ensemble de la structure du film dès le début ?
Non, il fallait que je parvienne à combiner mes sources d'inspiration. Mais en général, je découvre mon film en le faisant. C'est pour cela que c'est très compliqué pour moi de parler du scénario du film avant de le tourner. Je me refuse à simplement mettre en œuvre ce que j'ai écrit. Si tout est dit, il n'y a pas besoin de le tourner. Le scénario ne comporte que des jalons : je ne comprends ce que j'ai voulu dire qu'au moment où j'ai fini le film. C'est pour ça que je ne peux pas me censurer. J'ai très peur, avant de tourner des scènes, mais il faut arriver à faire abstraction de ce danger, à ne pas vivre sa peur même si elle est réelle. La peur de l'échec ne conduit qu'à l'échec. On croit que l'on peut se raccrocher à l'expérience, à l'habileté, mais ce sont des choses qui peuvent vous jouer des tours. Un film doit être traversé par le désir. Il ne faut pas perdre de vue que la création cinématographique est quelque chose de mystérieux : on part d'une technique artisanale, la caméra, le plateau, les lumières, et cela peut aboutir à quelque chose de magique. Au fond, un plateau, c'est un lieu sacré, où l'on entre en relation avec quelque chose de très métaphysique. Le silence, la concentration y sont presque religieux. Un metteur en scène n'est pas quelqu'un qui donne des ordres, mais qui met sous influence. Mais il n'y a pour cela aucune méthode, aucun repère : on ne sait jamais comment on y arrive, on se demande même par quel obscur pouvoir immatériel on en est l'auteur. C'est ce mystère qui me renverse le plus.

 

Interview de Roxane Mesquida concernant A MA SOEUR!

 

Le scénario de " A ma sœur ! " m'a fait une impression très forte. Je l'ai lu pendant une heure de libre au lycée et j'ai été très troublée par cette histoire, je me suis promenée dans le lycée dans un état très bizarre… Je me suis dit qu'il y avait vraiment quelque chose de très intéressant à jouer. J'avais vu " Romance " et j'avais trouvé que le film ne tombait jamais dans la vulgarité, et parvenait au contraire à montrer quelque chose de très pur. " A ma sœur ! " est tout de même plus " soft ", même si certains moments sont assez crus.

 

La rencontre avec Catherine Breillat s'est très bien passée, nous nous sommes très bien entendues dès le début. Sur le plateau, elle parvenait à nous mettre en condition pour faire surgir des émotions surprenantes. Elle incitait les comédiens à se dépasser constamment, et cela provoquait de grandes joies pour nous. Avec Anaïs, nous avons aussi développé une grande complicité qui nous a beaucoup aidée. Quant au personnage d'Elena, je dois dire que le rôle n'était pas facile. Elle pouvait passer pour une fille superficielle et naïve, qui se fait avoir par un garçon. Il fallait lui donner une certaine profondeur. Il y avait aussi des choses difficiles à jouer, que je n'avais jamais faites pour un film. Pour la longue scène d'amour, j'ai été longuement mise en confiance par Catherine. Et finalement, je garde un excellent souvenir de cette scène, qui a été mon meilleur jour de tournage.

 

 

 

Interview de Libero De Rienzo concernant À ma soeur !

Lorsque Catherine Breillat m'a demandé de jouer dans le film, j'avais presque décidé de quitter le travail d'acteur. j'avais vu "Romance", qui avait eu un certain retentissement en Italie, "Tapage nocturne" et "36 fillette". En lisant le script de "A ma sœur !", je me suis dit que c'était le plus beau scénario que j'avais jamais lu. Je l'ai dit par la suite à Catherine, qui ne m'a pas cru ! Je suis venu en France, et j'ai pris des cours intensifs de français pendant un mois, pour pouvoir dire correctement mon texte.

Le personnage de Fernando incarne la cruauté des rapports amoureux, lorsqu'ils ne sont pas paritaires. C'est un Casanova en vacances, qui cherche avant tout une expérience d'amour physique, il est bien sûr incapable de tenir les promesses qu'il fait. Mais en tant qu'acteur, je ne pouvais pas juger le personnage sans risquer de le perdre. Il fallait le comprendre autrement que sous un angle moral, comme si, au fond, il représentait, dans ce contexte d'un amour de vacances, la cruauté de la nature.

Le travail avec Catherine et toute l'équipe s'est très bien passé, je me suis senti très vite en famille. Les scènes de nu ne m'ont pas posé de problème. Le film montre l'intimité, la chose la plus privée qui soit, mais je n'étais pas inquiet car je savais que je n'étais pas dans un porno. Mes rapports personnels avec Catherine étaient très bons, et il y avait beaucoup de gens d'expérience dans l'équipe technique. Cela a fait du tournage une expérience passionnante et très agréable.

 

interview de Arisnee Khanjian concernant A ma soeur

J'avais rencontré une première fois Catherine Breillat à Toronto, nous avions longuement bavardé. J'avais vu beaucoup de ses films, j'aimais sa manière d'aborder sans tabous ni angoisse le sujet épineux de la sexualité. Lorsqu'elle m'a appelé quelques mois plus tard, je venais de voir " Romance ", qui était enfin sorti au Canada, entouré de fortes rumeurs. Pourtant, le film dépassait vraiment le sensationnalisme auquel on voulait le réduire, et il y avait là un discours sur le sexe mené avec intelligence, une pensée originale et construite. Lorsqu'elle m'a proposé de jouer dans " A ma sœur! ", je n'ai pas eu peur du tout car je n'avais pas de problème d'éthique avec son cinéma.

 

Catherine ne m'a donné aucune indication sur mon personnage qui dépasse le cadre du film. C'est au fil des scènes, et après le tournage, que j'ai vraiment compris qui était mon personnage. C'est une femme qui subit l'oppression d'un mari égoïste, et elle est très vulnérable, trop sans doute pour avoir de l'autorité sur ses filles. Lors de la longue séquence du retour, sur l'autoroute, on se rend compte qu'elle est totalement impuissante, qu'elle est incapable de se conduire de manière responsable. Ce refus de comprendre sa fille peut même laisser penser qu'elle a subi les mêmes pressions, étant jeune.

 

Catherine, sur le plateau, se concentre sur l'essentiel, et ne cherche pas à entrer dans les détails. Elle travaille vraiment avec les comédiens, elle ne se retranche pas derrière la caméra, mais elle est physiquement très proche de nous. Elle est très attentive, car elle cherche quelque chose de très précis sans savoir encore vraiment ce que c'est. Elle nous a demandé des choses difficiles, comme la scène de la gifle qu'il a fallu refaire de nombreuses fois. Où encore de jouer en maillot de bain alors qu'il faisait très froid ! Mais nous étions tous prêts à le faire pour le film. Catherine exige beaucoup de vérité de la part des comédiens. Elle ne fait pas de compromis, car elle sait que les compromis se voient toujours à l'écran.

 

 

 

interview de romain Goupil concernant A ma SOEUR !

 

Je connaissais bien l'univers de Catherine Breillat, et nous nous étions déjà rencontrés. Lorsqu'elle a fait appel à moi, j'ai tout de suite donné mon accord, avant même d'avoir lu le scénario, sans chercher à savoir ce qu'elle avait derrière la tête en me choisissant pour ce rôle. Je lui ai dit que si elle me prenait comme acteur, c'était à ses risques et périls ! Ce père indifférent à sa famille, uniquement préoccupé de ses propres affaires, est plutôt antipathique. Je me moquais de Catherine en lui disant que s'il m'avait choisi, c'était parce qu'elle avait été déçue par Rocco Siffredi ! (rires) .

 

Sur le plateau, j'ai essayé d'être complètement à sa disposition, d'être parfaitement disponible en oubliant que j'étais moi aussi metteur en scène. Mais j'étais assez inquiet de mes propres capacités. Catherine est très exigeante dans son travail, elle recherche quelque chose de très précis, qui n'est pas toujours facile à exprimer, mais qu'elle cherche sans relâche. Elle ne peut pas toujours donner d'explication, il faut simplement avancer dans la scène pour que ça se clarifie peu à peu.

 

J'ai beaucoup appris sur le métier de comédien en me retrouvant de l'autre côté de la caméra, à guetter le moindre geste, le moindre regard du metteur en scène. De plus les comédiens composent très vite une famille. Ici, très naturellement, la famille qui était dans la fiction se recomposait hors champ. Mais le film soulevait aussi la fragilité de nous tous. C'est pour cela qu'on était très proches, très soudés.

 

 

 

Interview de Anais Reboux concernant A MA SOEUR !

J'ai rencontré Catherine Breillat lors du casting. A la fin, nous étions trois et Catherine nous a fait lire le scénario en entier. Même si j'y retrouvais quelques éléments de moi-même, ce personnage n'était pas vraiment moi. Anaïs est une petite fille qui n'a pas vraiment envie de vivre, car sa vie est plutôt sinistre. Je pense qu'elle est jalouse de sa sœur, même si au fond, elle est plus intelligente et plus mûre qu'Elena. Elle comprend très bien ce qui arrive à sa sœur, qui elle se fait avoir par le garçon. Elle est dans une position d'observatrice, ce qui l'aide à comprendre plus vite. Mais elle a besoin que sa vie soit chamboulée. Je crois que ce qui arrive dans le film, malgré tout, la fera sortir de sa coquille.Lors du tournage, tout le monde a été très gentil avec moi. On essayait toujours de m'entourer, de me rassurer.

C'était une expérience formidable, je me suis très bien entendue avec les comédiens, et Roxane et moi sommes devenues amies. Je ne sais pas si je ferai d'autres films, je ne compte pas forcer les choses. Je ne me pose pas encore la question.
Le plus dur, pour moi, a été la scène de la claque. Il fallait que je me mette à pleurer, et je n'y arrivais pas du tout ! Finalement, j'ai téléphoné à ma mère, qui m'a fait imaginer que mon petit chien s'était enfui. Je savais que ce n'était pas vrai, mais j'ai fait comme si, et ça a marché.
LE MONDE INTERACTIF

Trois questions à Catherine Breillat



La réalisatrice Catherine Breillat, dont le dernier film, A ma sœur !, est en salles depuis le 7 mars, répond aux questions du "Monde interactif" sur les rapports entre cinéma, Internet et caméra numérique.

Quelle utilisation faites-vous d'Internet ?
Personnellement, je ne suis pas une internaute chevronnée. Je n'ai même pas de connexion à Internet chez moi. Je n'ai vraiment pas le temps de m'y mettre et en plus, je suis un peu réfractaire à tout ce qui est technique. Je n'aime pas trop les ordinateurs. Par contre, j'utilise beaucoup Internet comme moyen de communication depuis la sortie de mon film Romance en 1999.
C'est un outil de diffusion d'informations incroyablement puissant et très pointu. Par exemple, j'ai fait la promotion de ce film en Corée, et la conférence de presse que j'y ai donnée à cette occasion a été retransmise en direct sur le Net.
Internet est désormais un outil de recherche d'informations indispensable : les journalistes du monde entier se renseignent sur un film ou sur un cinéaste grâce aux différents sites disponibles en ligne. C'est pourquoi je suis plutôt contente de voir que de nombreux sites se sont développés autour de mes films, notamment Romance. Il y a notamment un site allemand très bien fait. Je participe également de plus en plus à des forums, à des discussions en ligne avec les internautes. C'est essentiel, cette nouvelle relation, quasi immédiate et directe, qui peut s'établir via Internet entre un cinéaste et les spectateurs. Cela me semble d'autant plus important pour des films d'auteur comme les miens qui ne se limitent pas à une audience exclusivement française et qui ont besoin de succès à l'étranger.

Que représente pour vous ce nouveau média ? Un outil de promotion pour vos films ? Un espace de création ?
A mes yeux, Internet est avant tout un espace de liberté. Il y a beaucoup plus de liberté sur le Web que pour d'autres médias. Peut-être pas en France, où il y a une grande liberté de la presse, mais dans d'autres pays plus "totalitaires". Internet est, selon moi, un formidable outil pour le discours plus que pour le slogan promotionnel. Finalement, ce n'est pas un outil très important pour la promotion pure et simple d'un film. C'est plutôt un instrument de discours très pointu. Il s'adresse mieux à une certaine frange de la population. Les gens qui surfent sur Internet, surtout les jeunes, sont à la recherche d'un autre discours, d'une autre manière de penser en dehors des circuits traditionnels. La réelle création va passer par Internet. C'est de là que surgiront les vraies surprises, bonnes et mauvaises, mais plutôt bonnes, à mon avis.

Que pensez-vous du recours à la caméra numérique ?
Pour moi, l'utilisation de la caméra numérique est avant tout une question de style. C'est comme les techniques modernes de la peinture à l'acrylique ou du collage par rapport à la technique traditionnelle de la peinture à l'huile. Chaque cinéaste réalise son œuvre avec les moyens qui lui correspondent le mieux. Il est certain que le numérique va prendre de plus en plus d'importance dans l'univers du cinéma, jusqu'à devenir aussi incontournable que la caméra traditionnelle. L'image numérique va sans doute aussi s'améliorer et se rapprocher de plus en plus de la qualité, du rendu de la pellicule classique. Pour ma part, j'en suis plutôt encore au stade de la peinture à l'huile. Il y a une certaine froideur, un modernisme de l'image lié à la caméra numérique qui ne convient pas à ma manière de filmer. Il y a également une tendance à la schématisation. La caméra numérique ne parvient pas encore à rendre très bien la peau, la transparence de la peau comme le fait la pellicule traditionnelle. Or, dans mes films, la peau est toujours très présente.
Par ailleurs, se pose aussi la question de la post-production numérique. Le montage numérique offre une telle gamme de choix que, du coup, même si le coût de filmer avec une caméra de ce type est moindre, la post-production peut coûter très cher. Finalement, elle peut se révéler être un outil à double tranchant, pas chère d'un côté et très coûteuse de l'autre. La caméra numérique peut être un "plus" indéniable pour les cinéastes, n'en faisons pas un "moins" en rendant son utilisation obligatoire. N'oublions pas, de toute façon, que la caméra numérique n'est en fin de compte qu'un simple outil, une technique. L'invention du stylo-bille n'a pas multiplié le nombre d'écrivains de qualité. C'est la même chose avec la caméra numérique, cela ne fera pas des cinéastes plus talentueux pour autant.

nytimes.com

Sex and Power: The Provocative Explorations of Catherine Breillat

The work of Catherine Breillat, the French filmmaker and novelist whose movies frequently explore the perversity animating male-female power dynamics in Western society, has always been fearlessly pertinent. These days, as more and more revelations about the sexual predations of high-profile men come to light, they may even be more pertinent.

The Criterion Channel section of the streaming site Filmstruck recently unveiled its Catherine Breillat Collection, which offers all the movies the director has made in this century, with the exception of “Anatomy of Hell,” the 2004 movie about men’s fear of menstruation, and one of her most extreme works in terms of explicit content.

The first picture of the collection is the still-shocking “Fat Girl,” from 2001, which centers on a 12-year-old. Anaïs (Anaïs Reboux), chubby, pouty and red-cheeked, feels out of sorts while on holiday, watching her older sister, Elena (Roxane Mesquida), being romanced by a local Lothario, Fernando (Libero De Rienzo). The movie’s central jaw-dropper is a scene, about 20 minutes in, when Fernando visits the girls’ shared bedroom one night. A wide-awake Anaïs is witness to Fernando’s wheedling, inveigling “seduction” of Elena. When Elena instructs her beau to go only so far, he responds “I swear on my mother’s head.” Seconds later, Fernando says that he’s not sure if he can hold himself back and that it would be a shame if he had to go to another girl to get what he wants. And on it goes. It’s excruciating.

Not all of Ms. Breillat’s observations are specific to the vexation of women. This movie, and others of hers, feature intimate implications of the cosmic. I saw “Fat Girl” for the first time in 2001, at the Toronto International Film Festival. This is not quite a spoiler — because believe me, the scene in question is not one that you are going to see coming, even with this reveal — but the movie ends with the central character subjected to a mini-apocalypse: The world she knows ends before her eyes. It’s a shattering scene, constructed with an assurance that is kind of terrifying. On the day I saw the movie, Sept. 8, 2001, I found it too abrupt and arbitrary. Little did I know. Interviewing Ms. Breillat a couple of years later, I told her how my perception of the film changed after Sept. 11; her response was an enthusiastic nod of agreement — and a Gallic shrug.

All the other films in the collection are rich in wit, emotional tumult and philosophical trenchancy. “Sex Is Comedy,” from 2004, is a genuinely funny movie about moviemaking, inspired by the shooting of that startling sex scene from “Fat Girl.” Here Anne Parillaud plays a put-upon stand-in for Ms. Breillat. “The Last Mistress,” from 2008, is a 19th-century tale of a woman who refuses to take her lover’s rejection in stride. This movie’s subversions begin with the casting of a thoroughly modern screen presence, Asia Argento, in the title role.

There has often been a recognizable streak of fantasy in Ms. Breillat’s work, and in recent years she has given her tendencies in that direction freer rein by making films of well-known fairy tales. Her perspectives on “Bluebeard” (2010) and “Sleeping Beauty” (2011) are more than fractured; they are radical. Lola Créton, known in the United States mostly for her work in Mia Hansen-Love’s “Goodbye First Love” (2012) and Olivier Assayas’ “Something in the Air” (2013), gives a fierce performance in “Bluebeard” as Marie-Catherine, the title character’s clever young wife who is confounded by the temptation of a secret chamber in their shared castle.

The collection is completed by “Abuse of Weakness” (2014), Ms. Breillat’s most recent film, and possibly her greatest, so far. It’s a largely autobiographical account of catastrophic events after Ms. Breillat’s brain hemorrhage in 2004. (She also wrote a novel based on her experiences.)

In that film, Isabelle Huppert, in an even more astonishing performance than what she usually serves up, plays Maud, a writer and director we first see sliding out of her bed, half-paralyzed. Ms. Huppert portrays her suffering character, who remains partly paralyzed throughout, with incredible physicality. At times, Maud seems to masochistically luxuriate in her incapacitation. Watching television one evening, Maud is entranced by the bragging of a ruggedly handsome con man, recently released from prison and promoting a book about his swindles. She asks him to star in her next film; he agrees, and he almost immediately starts a psychological game with her.

“I don’t meet with my actors until I start filming,” Maud says, her left hand still crabbed from her stroke. Slumped in a chair opposite her, the con man, played by the French rapper Kool Shen, responds, “You are going to see a lot of me.” Soon Maud is writing him enormous checks and imperiously insisting to herself that she understands what’s going on and has some control over it. This is a subtle but unflinching psychological horror picture with a devastating finale.

If you’re in the mood to do more cinematic exploring, this month the cinephile site Filmatique, which specializes in international movies that normally get scant attention in the United States, focuses on North African directors and films. So far it has posted Mohcine Besri’s 2011 kidnapping drama, “The Miscreants”; Nadine Khan’s “Chaos, Disorder” (2013), a scrappy love triangle set in Cairo; and a female character study from 2012, “Coming Forth by Day,” from the Egyptian filmmaker Hala Lotfy.

On Dec. 22, the Tunisian picture “Challat of Tunis” debuts on the site. Directed by and featuring Kaouther Ben Hania, this mockumentary posits the existence of a criminal in prerevolutionary Tunisia called the Challat. (The word means blade in a Tunisian dialect.) In 2003, the movie tells us, he rampaged through Tunis on a motorbike, hunting down provocatively dressed women and slashing their buttocks with a straight razor.

The movie begins 10 years after, with Ms. Ben Hania trying to visit the prison where the Challat was supposedly held. Stymied, she goes to neighborhoods where he was reputed to have struck. Interviewing local residents, she finds men disparaging the Challat’s supposed victims and their scanty wear. They say things like “One must dress correctly. In a respectful fashion.” The movie teems with such upsetting, but not surprising, instances of victim-blaming. The filmmaker also interviews the maker of a “devout” video game in which the player is the Challat, and gains points for slashing inappropriately dressed women. If the player attacks a hijab-wearing woman, points are deducted. Ms. Ben Hania also explores the home life of a creepy braggart who claims to be the “real” Challat.

This is a satire that stings. The misogyny and threatened masculinity on display half a world away is no different from what exists in the United States; the only distinction is in the pretext. (Many of the men in this movie claim that their retrograde views are endorsed by Islam.) Like the films of Ms. Breillat, “Challat of Tunis” is uncomfortably timely.

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SEX IS COMEDY

De Catherine BREILLAT

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