Europe, où est ta démocratie ?
Cet « essai » propose des allers-retours entre l’Athènes classique et l’Union européenne. Stimulant.
Ces dernières années, la Grèce contemporaine – et avec elle l’Union européenne – a fait face à deux crises majeures. Celle de son endettement d’abord, qui lui a valu d’être stigmatisée comme un « mauvais élève économique ». Celle des migrants ensuite, car sa position géographique la place en première ligne face à une tragédie qui a transformé la Méditerranée en « cimetière liquide ».
Dans l’imaginaire des pères fondateurs de l’Europe, il existait une autre Grèce : l’Athènes classique qui a inventé le peuple et la démocratie. Une formidable source d’inspiration pour ceux qui rêvaient de construire un continent unifié et en paix après la Seconde Guerre mondiale.
Avec L’Europe et ses fantômes, Ivan Butel n’a réalisé ni un film d’histoire ni un reportage d’actualité, mais plutôt un essai documentaire. A partir de ces deux crises contemporaines, il interroge des spécialistes de l’Europe (Luuk Van Middelaar, Didier Georgakakis, Hélène Thiollet), des écrivains (Yannis Kiourtsakis), des historiens (Patrick Boucheron et Paulin Ismard) pour nourrir une réflexion sur la place de la démocratie athénienne classique dans l’Union européenne d’aujourd’hui.
De ces allers-retours constants entre le Ve siècle av. J.-C. et le présent émerge un constat : l’Union européenne actuelle semble s’être coupée de ses citoyens, les directives européennes étant prises de manière technocratique. Un mode de fonctionnement très éloigné de celui de la démocratie athénienne. Paulin Ismard rappelle que les Athéniens plaçaient délibérément certaines compétences en dehors du champ politique afin d’éviter que des citoyens puissent s’en servir pour légitimer leur pouvoir sur d’autres citoyens. Ainsi, des esclaves publics étaient en charge des compétences financières de la cité. Une stricte séparation des pouvoirs en quelque sorte.
Imaginons alors que les experts de la Banque centrale européenne soient des esclaves ou, pour être politiquement correct, au service des citoyens européens ! Volontairement provocante, la comparaison stimule les questions sur notre rapport à la démocratie moderne.
Olivier Thomas