Eloge de Claude Chabrol sur Sylvain MADIGAN

Eloge de Claude Chabrol sur Sylvain MADIGAN

 

Sylvain Madigan par Claude Chabrol
La dérisoire question : film d’auteur ou pas, cesse de se poser dès qu’un auteur de film apparaît. C’est le cas de Sylvain Madigan et de Sale Destin. Quel spectateur irait s’interroger sur l’identité du responsable en recevant sur la rétine cet univers implacable et dérisoire, ces personnages abominables et jubilatoires ?La vision du monde et le ton sont vraiment les deux clefs principales du bonheur cinématographique. Car ils impliquent tout le reste : la clarté du récit, la précision du style, l’efficacité du jeu. On trouve tout cela dans Sale Destin : la multiplicité des personnages et des chemins qu’ils parcourent n’altère jamais la limpidité de la narration et la cruauté du propos est métamorphosée, mais jamais contredite par l’intense gaîté du dialogue. Quant aux comédiens, ils donnent cette impression complexe de rigueur et de liberté qui procure tant de bonheur au spectateur.

J’ai éprouvé une grande joie à jouer un tout petit rôle dans cette galerie de portraits. D’abord flatté d’avoir été sollicité par Sylvain Madigan, que je ne connaissais ni des lèvres, ni des dents, j’en suis maintenant quasiment fier. Car participer si peu que ce soit à la naissance d’un véritable auteur de film, d’un véritable cinéaste, disons le mot, est une satisfaction rare, une jouissance même, pour un jeune croûton de la New Wave.

Avec Sale Destin, les autres questions oiseuses : esthétisme ou pas, littérature ou pas, réalisme ou non, intellectualisme ou démagogie restent aussi au vestiaire, car tout y est net et s’appelle par son nom : la vérité est juste, la bêtise est idiote, la violence est brutale, l’ironie est marrante, la vulgarité est sans complaisance, la compassion sans larmes. Le film est un film.