Dans le secret d’Al Qaida
Trois jours après les commémorations du 11 Septembre, France 2 diffuse une enquête sidérante sur al-Qaida. Il s’agit du récit de Nasser al-Bahri, plus connu sous son nom de guerre Abou Jandal, garde du corps d’Oussama Ben Laden de 1997 à 2000. Il en aura fallu, de l’amertume, à cet homme, contraint de rompre avec celui qu’il considérait comme son père, pour tout balancer, à l’Amérique ennemie d’abord, au spécialiste du Moyen-Orient au Figaro Georges Malbrunot ensuite. Ce récit inédit, le journaliste l’a rapporté dans un livre*.
Dans le documentaire Dans la tête d’Al Qaida, coréalisé avec Paul Jenkins, produit par Jean-François Lepetit et diffusé dans la case “Infrarouge“, Georges Malbrunot croise le témoignage de l’ex-garde du corps avec celui de deux autres intervenants, Ali Sougan, ancien agent du FBI, et Mike Scheuer, membre de la CIA en charge de la traque du chef d’al-Qaida avant 2001.
Abou Jandal dévoile la vie quotidienne d’Oussama Ben Laden. “Nous avons pleuré, ri, eu peur ensemble. J’ai connu cet homme mieux que personne“, dit le repenti, en résidence surveillée au Yémen, d’où il commente des images d’archives de la mouvance islamiste, comme d’autres le feraient d’un album de famille. “J’ai entraîné les pirates de l’air qui ont commis les attentats du 11 Septembre“, confie cet homme capable d’identifier les terroristes par leur simple regard.
Abou Jandal a changé d’attitude, mais pas d’idéal, toujours admiratif de Ben Laden. Son témoignage vibre quand il se souvient du jour où son mentor lui confia sa propre vie en lui ordonnant : “Voici un pistolet avec deux balles. Si un jour on est encerclés, je ne veux surtout pas être pris vivant.”
OCCASIONS MANQUEES
L’homme est un bon comédien. Sa présence à l’écran met mal à l’aise. Il nous tient en haleine quand il raconte comment un fils du chef islamiste dégoupilla par mégarde une grenade dans un avion qui le transportait avec une partie de la mouvance, y compris le chef des opérations militaires. Si l’explosion avait eu lieu, le cours de l’histoire aurait été tout autre. Le doute s’insinue et la colère monte au fil des images, choquantes, arrogantes, de la propagande d’al-Qaida et des Américains qui n’auront pas su ou pu s’en servir comme il aurait fallu. Deux occasions manquées de “neutraliser” Ben Laden laissenl le spectateur coi.
À deux reprises, le président des États-Unis Bill Clinton aurait pu donner l’ordre de l’abattre. Mais, à chaque fois, il y a renoncé in extremis. On regarde la vidéo : une ferme, Ben Laden en “Robin des Bois”, des djihadistes armés jusqu’au dents, mais aussi des femmes, des enfants, des balençoires… De peur d’être condamné par l’opinion, Bill Clinton renonce, deux mois avant les attentats meurtriers de Nairobi et de Dar-es-Salaam en août 1998.
L’autre exemple est plus éloquent encore. En plein désert, un satellite suit les faits et gestes de Ben Laden au cours d’une chasse à l’outarde avec des princes émiriens. Les américains le tiennent. Las ! Un projet de contrat entre les États-Unis et les Émirats arabes convainc Clinton d’abandonner, six mois avant le 11 Septembre.
Alors, il y a cette dernière séquence, incroyable, du testament oral d’un des pirates de l’air. Le terroriste parle à découvert. Il doit lire un texte, mais il n’y arrive pas, se reprend, sourit, gêné. Son attitude trahit, selon l’ex-agent du FBI, Ali Soufan, la stratégie d’endoctrinement d’al-Qaida, pour qui “la religion n’est qu’une couverture“.
“Dans l’ombre de Ben Laden“, de Nasser-al-Bahri, avec la collaboration de Georges Malbrunot, Éditions Michel Lafon