Qui se souvient encore de La Belle endormie ? Le dernier film de Catherine Breillat, diffusé dans l’indifférence quasi générale en janvier dernier sur Arte, et dont aucune édition DVD n’est encore envisagée en France, s’est offert une nouvelle visibilité à l’étranger. Distribué par la société américaine Strand Releasing, la relecture érotique et arty du conte de Charles Perrault par la réalisatrice d’Anatomie de l’enfer a été le film le plus commenté du week-end aux Etats-Unis, où il poursuit la bonne saison du cinéma d’auteur français.
Une popularité intacte
“Un chef-d’œuvre” pour le magazine IndieWire, “sans concession” selon le New York Times, “terriblement érotique” pour le San Francisco Chronicle, ou “provocant et irrésistible” selon le Variety : La Belle endormie, traduit The Sleeping Beauty, a raflé tous les suffrages aux Etats-Unis. Un traitement qui contraste avec la diffusion confidentielle du film en France (où le contrat de production passé avec le département fictions télévisées d’Arte empêchait une sortie en salles), et qui s’explique, selon la chaîne, par la popularité intacte de la réalisatrice outre-atlantique.
“Le contrat de coproduction avec Arte bloquait une sortie du film au cinéma en France et en Allemagne, confirme aux Inrocks une responsable de la distribution de la chaîne. Ils ont donc dû parier sur une sortie en salles à l’étranger, et principalement aux Etats-Unis où Catherine Breillat a une base de fans importante.“
Distribué sur un réseau de copies très limité (la moyenne d’un film d’auteur français aux Etats-Unis est de 10 salles, quand un blockbuster sort au minimum sur 3000 écrans), The Sleeping Beauty devrait jouer sur une exploitation au long cours. Et pourquoi pas rééditer les chiffres de Barbe Bleue, le précédent opus de Catherine Breillat qui avait réalisé plus de 32.000 dollars de recettes en deux semaines dans seulement trois salles –soit la carrière moyenne d’un film d’auteur français aux Etats-Unis.
Dans une configuration presque inédite, la critique U.S s’enthousiasmait aussi pour un autre film français ce week-end :
Rapt de Lucas Belvaut
qui, plus d’un an après sa sortie en France, partage l’affiche américaine avec
La Belle endormie de Catherine Breillat. Distribué sur une seule copie à New York, le film a dépassé les entrées du thriller
The Ledge et atteint près de 8.000 dollars de recettes en un week-end.
L’exploit Le Nom des Gens
L’écart entre la réception critique des films français et leur succès en salles semble même s’être réduit. Distribuée sur 5 copies le 24 juin dernier, la comédie multi césarisée Le Nom des Gens (traduit The Names of Love) a dépassé la barre infranchissable des 30.000 dollars de recettes dès son premier week-end d’exploitation aux Etats-Unis. Deux semaines plus tard, le film de Michel Leclerc atteint près de 100.000 dollars au box-office et s’impose comme l’un des plus grands succès de l’année du cinéma d’auteur français aux Etats-Unis.
Le succès surprise du film de Michel Leclerc (dont le casting et le sujet n’étaient pas très favorables à l’exportation) a probablement profité de l’ “effet” Des Hommes et Des Dieux. Le Grand Prix du jury du festival de Cannes 2010,sorti fin février aux Etats-Unis, a totalement bouleversé le schéma d’exploitation traditionnel des films d’auteurs français : distribué dans 33 salles, il s’est maintenu pendant six semaines dans les 25 premiers du box-office.
En fin de carrière, les moines de Xavier Beauvois avaient attiré 500.000 personnes et réalisé près de 4 millions de dollars de recettes. Moins qu’Amélie Poulain, mais déjà l’un des plus grands succès d’un film d’auteur aux Etats-Unis.
Romain Blondeau