Abdellatif Kechiche : retour sur l’un des plus grands cinéastes actuels
Après avoir fait apparaître dans les années 80 et 90 sa belle figure dans quelques films, Abdellatif Kechiche réalise son premier long métrage. La Faute à Voltaire sort en 2000 et déjà l’ancien comédien y installe, avec une virtuosité déconcertante, les quelques motifs qui feront sa signature. L’histoire est celle de Jallel, un jeune immigré Tunisien, qui pense trouver à Paris un havre urbain où il fait bon vivre. Alors, quand on remet à ce dernier un titre de séjour de trois mois et qu’on lui présente le foyer vétuste dans lequel il va temporairement séjourner, le garçon débonnaire (Sami Bouajila), comme un jeune provincial découvrant avec émerveillement le grouillement de la vie parisienne, semble heureux. C’est ici, entouré d’autres étrangers et de sans-abris, qu’il apprend les techniques de survie de la capitale : vente à la sauvette de fruits et de journaux dans le métro ou de roses dans les restaurants de la ville…
A ce stade, le film n’aurait pu être qu’un nouvel exemple, pas très neuf, d’un certain cinéma français social, érigeant ses personnages marginaux en héros d’aujourd’hui. Mais La Faute à Voltaire n’est évidemment pas que ça. Car ce qui saisit avant tout chez Kechiche, outre le constat amer d’une violence sociale et raciale française, c’est la vigueur de la vie et des corps qui l’habitent, sa capacité à surpasser les archétypes. C’est par les rencontres, notamment amoureuses (d’abord avec Aure Atika puis avec Elodie Bouchez hallucinante en gamine nympho perturbée), que le personnage de Jallel parvient à dépasser la précarité qui le définit au départ, pour devenir un personnage à part entière. La Faute à Voltaire n’est dans le fond que les prémisses de ce que Kechiche s’efforcera toujours de capter : l’apprentissage sentimental de jeunes gens…