Entretien avec Sylvie Testud-703

Entretien avec Sylvie Testud-703

Ce qui était génial, c’était l’enthousiasme de Gérard Krawczyk !
Je me souviens de notre première rencontre : c’était au festival du film français de Yokohama. Il est venu vers moi et m’a parlé avec une telle joie de son envie de travailler avec moi… C’est flatteur, tout de même ! Et puis, très humblement, il a ajouté qu’il avait quelque chose à me faire lire. On sentait que ça lui tenait à cœur, que c’était un projet personnel, qu’il refusait de réduire à un “pitch” lâché entre deux soirées. De retour à Paris, il m’a donné le scénario de LA VIE EST À NOUS ! Outre l’histoire qui m’intéressait, j’ai trouvé mon personnage génial. Et puis cette ambiance, façon L’ÉTÉ EN PENTE DOUCE, dont je suis fan… On retrouve dans LA VIE EST À NOUS ! toute la sensualité et la force de la campagne, assainie de ses notables de province. Les personnages de LA VIE EST À NOUS ! sont de vrais gens, qui m’émeuvent parce qu’ils sont imparfaits mais font de leur mieux, sans jamais penser à «paraître». Ils sont. Gérard m’a beaucoup aidé à appréhender Louise. Cette fille est un camion ! Une force de vivre sur laquelle on peut compter. Du coup, elle n’a pas le droit de se casser la gueule. On en connaît tous des filles comme ça. Sur lesquelles on se repose. Des personnes aux antipodes de notre milieu, qui n’ont pas besoin de caméra pour exister. Il fallait évidemment que je parle moins mollement que je ne le fais d’habitude. Je n’ai jamais eu une diction tonique. Or, Gérard voulait qu’elle parle vite et fort. Comme une tornade. Et c’est vrai qu’elle parle énormément. J’ai bossé pendant quinze jours d’affilée, à répéter, accélérer mon débit… Josiane Balasko venait de temps en temps. Je l’adore ! Cette Josiane est très surprenante. Et émouvante à crever. Chaque fois que l’on s’attend à quelque chose, c’est autre chose qui vient. C’est fréquent chez les ados, qui sont à une charnière, mais chez un adulte, jamais ! Et bien, chez Josiane, si ! Elle joue, elle est contente, les choses sont évidentes, simples… Autant dire qu’il est facile de travailler avec elle. Mais c’est une femme assez timide. Moi aussi. Il y a donc eu un petit moment d’adaptation. Rapide. Et puis on est devenues copines, le plus naturellement du monde. C’est assez général : les gens qui ont tourné avec Josiane sont souvent restés avec elle. On ne peut qu’arriver à cette conclusion : cette femme est une merveille. Et elle a vécu dans un bistrot. C’est vrai que l’on y entend les pires inepties, mais la philo de comptoir, telle qu’elle est pratiquée dans LA VIE EST À NOUS !, c’est un bonheur. Au départ, quand Gérard m’a parlé d’Éric Cantona, sincèrement, j’avais comme tout le monde un a priori. Ce qui est idiot, mais on ne peut pas s’empêcher ! Or, Éric est un super bon acteur. Quand il m’apporte le petit camion pour Julien, j’avais une liberté de jeu incroyable. Parce qu’il se laisse porter par la scène. Et il est d’une humilité ! On a acquis une certaine complicité, ce qui nous a valu de beaux fous rires… Notamment lorsqu’il arrive en prince charmant. Quand on sait quel timide il est, on apprécie la performance.

En fait, c’est un film qui a brisé plein d’a priori. Je ne fais partie d’aucune famille, mais là, j’étais bluffée par des nouveaux que je n’attendais pas. De toute façon, je faisais confiance à Gérard pour ses choix. Dans le cas de Michel, ça a été immédiat. Il a imposé un truc. Ce «truc» des acteurs qu’on dit «comique». C’est comme les clowns qui savent tout faire. Ou comme un acteur, capable de se mettre à nu. Michel est aussi un grand acteur.

Ce rôle, en fait, m’a défoulée. J’en avais peur, car je ne suis pas réputée pour faire éclater de rire les gens. D’où un doute sur mes capacités… Sans compter que Gérard ne voulait pas Louise pulpeuse (tant mieux, vu que je ne le suis pas), mais sensuelle. Et on ne m’avait encore jamais mis de jupe avec des bottes rouges… Comme quoi Gérard, en plus d’être un fou de travail, est un réalisateur très persuasif  !