La grâce et le malaise Beignes. Huis clos autour de trois Maghrébines confrontées à l’instinct de mort masculin.-735

La grâce et le malaise Beignes. Huis clos autour de trois Maghrébines confrontées à l’instinct de mort masculin.-735

Des poupées et des anges de Nora Hamdi avec Leïla Bekhti, Karina Testa, Samy Naceri… 1 h 42.

Des poupées et des anges est un bel essai sur la condition féminine en milieu arabe immigré. Pas très fini et riche de cet inachèvement laissant la question en souffrance, ouverte.

Ce petit film vivace se présente bien d’abord de par sa distribution, confondue à son objet : un huis clos domestique à trois femmes et quelque, en ronde folle, où l’homme joue l’empêcheur de tourner en rond.

Macho archaïque. L’homme, c’est Samy Naceri. Souverain en pater familias méchamment largué, marqué (on encaisse physiquement les effets de sa ratonnade 2007 au Mistral d’Aix), beau comme un dieu biblique brisé, c’est le roi nu du drame. Abruti de préjugés sexistes, prisonnier de sa culture macho archaïque, il manque de mots donc donne des coups. Coups de poing à son épouse qui «répond» ; de ceinture à sa fille qui bronche quand il interdit le taekwondo («Depuis quand les filles font la bagarre !») ; d’œil à l’aînée. Pour finir, ce père perdu se pète lui-même la figure sur un chantier, ce qui lui fait les pieds avec les reins, et des vacances aux dames du logis : «Maintenant, il ne te reste que ton cerveau», dit Lya, fille battue incassable.

La fille qu’on préfère, qui fait le film à elle seule, telle la révélation de la Graine et le Mulet, c’est celle-là, que le père ne «préfère» pas, la cadette. Leïla Bekhti à la ville, ni pute comme sa «poupée» de sœur de 18 ans, ni soumise comme la mère punching-ball. Cette douce battante en jogging et savate (chouette cogne antidrague de club) est si épatante que son flirt blondin, qu’elle déniaise à l’aise (discussion modèle sur le «trésor» des virginités familiales à la con, traité là en beauté : par-dessous la jambe), que ce Petit Prince en devient le type bien en soi : féminin.

L’espèce de hareng qui lui fait pendant, maque au petit pied de la dinde Chirine, ce minus gommeux nous plaît bien pour les raisons inverses, des plus inavouables : parce qu’il est convaincant et chic en vraie vermine de l’affaire. Garçon à suivre de près.

Jeunesse absurde. La mère, enfin, a sa propre beauté ; bugnée, mater dolorosa obscurantiste comme son mari buté, au fond, elle a tout ce qu’elle mérite avec sa tête au carré, couvrant coûte que coûte les exactions du père comme si de rien n’était, refusant de s’en séparer…

Le salut revient ainsi à la gente Lya, grâce aux mots. Lya seule lit, et écrit – écrira, quand elle en aura fini de brasser les grands mots de la névrose familiale, sur le toit du HLM, dans son journal de monologue intérieur déclamatoire, comme on graffe ou rappe, jeunesse absurde oblige.

Le script féminin de ce film de femme à femmes sort de là. Rythmée par trois lectures en voix off, c’est l’adaptation, par Nora Hamdi qui gagne à être connue et vue, de son propre roman Des poupées et des anges. Il y a une quatrième fée dans la maison de poupées : Inès, sept ans. En happy end archi-risqué.